11 juin 2020

Flambée du chômage en France, décrue aux Etats-Unis ?

Les dynamiques du travail et de l'emploi dans la crise : actualisation
Bernard Gazier

Les chiffres français publiés le 3 juin portent sur le mois d’avril et concernent les chômeurs inscrits à Pôle emploi.

Figure 1 : Nombre de demandeurs d'emploi inscrits à Pôle emploi en catégorie A


Les chiffres des Etats-Unis publiés le 4 juin sont connus jusqu’au 23 mai, et concernent les chômeurs indemnisés.

Figure 2 : Le chômage assuré désaisonnalisé aux Etats-Unis : 26 mai 2018 - 23 mai 2020

Source : US Department of Labor, News Release, Unemployment Insurance Weekly Claims, 4 June 2020, p. 2.

Le contraste est fort, mais trompeur. 

Le taux de chômage américain ici mesuré est passé de 14,7% fin avril à 13,3% au 23 mai. Après avoir détruit 19,6 millions d’emplois et vu le chômage augmenter de 9,8 points, les E.U. ont créé 2,5 millions d’emplois, accréditant la thèse d’un rebond.  Et les mauvais chiffres français ? 
Tout d’abord les périodes ne sont pas les mêmes, la disponibilité des chiffres américains étant plus rapide. Il y a trois semaines de décalage, qui correspondent au début du processus de déconfinement en France, amorcé le 11 mai.

La hausse française fin avril ici mesurée, de + 22,6% pour les Demandeurs d’Emploi en Fin de Mois en catégorie A (+ 843000), provient majoritairement d’une réallocation interne aux effectifs inscrits à Pôle emploi, avec une baisse de - 29,9% des DEFM en activité réduite, catégories B et C (baisse totale 633600), dont les 2/3 se sont inscrits en catégorie A.

Figure 3 : Nombres de demandeurs d'emploi inscrits en catégories B ou C


La hausse du chômage des catégories A + B + C est donc beaucoup plus limitée : + 209300, soit une hausse globale de 3,6%. Cette hausse provient essentiellement de la baisse des sorties vers l’emploi, qui ont baissé de – 34%.

Les E.U. font figurer dans leurs décomptes des chômeurs indemnisés ceux qui bénéficient de l’équivalent fonctionnel (moins avantageux et moins stable) du chômage partiel, le système du « layoff and recall » par lequel les employeurs s’engagent à réembaucher leurs salariés dans un délai de 6 mois. Ces travailleurs étaient 16,2 millions en avril et sont désormais 15,3 millions en mai. Près de la moitié des emplois (re)créés proviennent donc de ces retours à l’emploi.

L’embellie américaine est toutefois indéniable et permet de souligner une manifestation de la rapidité des réactions du marché du travail dans ce pays. Elle est toutefois largement en trompe-l’œil. En effet, les E.U. en restent à un taux d’activité très faible, qui a fortement baissé en début de crise : Ce taux est passé de 63,4% en février 2020 à 60,8% en mai (il était de 66% en 2008, l’effet dit du « travailleur découragé » est fort et durable aux E.U.).

La réallocation interne au chômage en France montre une tendance inverse : le choix maintenu de la présence sur le marché du travail est visible dans le gonflement des chômeurs de catégorie A, confirmant un taux d’activité qui reste élevé (71,7% en 2019). Cette réaction très différente doit toutefois être rapprochée du niveau du taux de chômage français, initialement le double de celui des E.U : 8,5% vs 4% en mars 2020.

Notons qu’en Europe les évolutions peuvent différer fortement selon les pays. C’est ainsi que l’Italie a bénéficié jusqu’à présent de baisses du chômage.

Ces fluctuations de court terme, dominées par de forts mouvements de réallocation des travailleurs et des chômeurs, ne sont de toute évidence pas terminées puisqu’avec le déconfinement la sortie du chômage partiel va conduire en France une bonne partie des personnes concernées vers le retour à l’emploi, cependant que d’autres vont grossir les rangs du chômage.

Selon les prévisions de l’U.E., le taux de chômage prévu pour la France fin 2020 pourrait dépasser les 10%.








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